Historique
Légende de la Tripe Fertoise

" ça, mon gars, c'est des trips en brochettes à la mode de La Ferté-Macé " dit fièrement Zidor.
Poème de Wilfrid Challemel
Les Tripes de La Ferté-Macé
-1-
On a mis la nappe blanche
Du dimanche
Et midi vient de sonner
Vrai, notre cuisine embaume
Quel arome
A table pour déjeuner
-2-
Dépêche servante accorte
Vite apporte
Le plat de tous souhaité
Il vient, salut ma narine
Vous divine
Oh ! tripes de La Ferté
-3-
Oh ! quel parfum délectable
Notre table
Exhales en ce moment
Où la main qui les remue
Toute émue
Déroule un paquet fumant
-4-
Vivent les Fertoises Tripes !
Nos principes
En font un mets sans égal
Suivant notre art, préparées
Bien poivrées
Divin en est le régal
-5-
En vidant leur pinte ronde
Et profonde
Nos aïeux sans nul souci
Estimant que cet usage
Etait sage
Jadis tripaillaient aussi
-6-
Mais que faire dans l'escrime
De la rime
S'il craint trop de s'enferrer
Le fertois garde en partage
L'avantage
De vous faire bien digérer
-7-
Les tripes ailleurs connues
Sont menues
On les aime à La Ferté
En gentils petits paquets
Affublées
D'une billette au côté
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Extrait des poèmes de
Wilfrid CHALLEMEL
Poète historien fertois
(1846-1916)
Un extrait de Ia revue LE GRAND TOURISME de Paris
La Ferté-Macé,
Bagnoles de I 'Orne et la Normandie montagneuse,
rédigé par le Dr P.R. JOLY (mars 1923)
La Ferté-Macé dont Bagnoles dépendit en partie jusqu'en 1913, date de la création de la commune de Bagnoles, est une petite ville industrielle du plus gracieux effet vue de loin, surtout quand on la contourne en chemin de fer.
Elle est sans grand intérêt ni pour le touriste ni pour l'archéologue.
Par contre les gourmets y trouvent matière à déguster. Les paquets de tripes de la Ferté-Macé constituent le mets national de cette ville.
Elles sont les rivales souvent victorieuses des tripes à la mode de Caen.
Je leur dois de bons souvenirs d'enfance. Quand potache, je passais mes vacances chez mon oncle à la Ferté-Macé, celui-ci n’emmenait le dimanche matin, sacrifier aux traditions gastronomiques du cru.
Vers huit heures et demie ou neuf heures du matin, à l’heure de la sortie de la messe, nous allions le plus souvent dans une vielle auberge sans apparence de l'étroite rue St Denis.
Alors elle avait la vogue.
Il faisait sombre en entrant, mais la salle de l'auberge brillait de propreté et de gaité.
Seule la patronne, l’artiste en tripes, conservait derrière ses grands pots ventrus en terre jaunâtre où mijotaient sur le fourneau, l’objet de toutes les convoitises, la dignité grave et consciente de sa haute mission d'un prêtre officiant sur l'autel.
Toutes les autorités de la ville se trouvaient là : le maire et son conseil, le tribunal et la fabrique, les commerçants, les industriels.
Toutes les opinions, tous les intérêts se calmaient et s’apaisaient sous le beurre ou nageaient les tripes comme les vagues de la mer en furie sous l'huile qu'à l'avant du navire file goutte à goutte le subtil marin.
Rapide, au milieu du vacarme et des rires une soubrette rotonde échappée aux pinceaux de Léandre, court de table en table.
Sur la nappe blanche elle dépose l’assiette fumante et embaumante ou se dresse dans la sauce fauve que pique, ainsi que deux fleurs de grenade, deux rutilantes carottes, le paquet de tripes dorées.
Roulées comme torsade d'un chignon de belle blonde, elles sont maintenues en guise d'épingles par une broche de bois.
Les yeux des convives s'arrondissent et brillent, les bouches sont en cœur ; il n‘est pas jusqu'aux poutres saillantes du plafond bas qui ne semblent s'allonger vers les tables ainsi que de grandes langues gourmandes.
L‘air s'obscurcit, de plus en plus lourd de vapeurs parfumées et des spirales de fumée tabagique.
On se croirait transporté quelques siècles en arrière, dans les Flandres des Théniers, des Breughel, si le cidre pur jus, le « Pommé » qui rougeoie dans les carafes transparentes, ou pétille dans les verres, ne rappelait que si l'origine lointaine des convives est le Nord, c'est ici, du sol normand que proviennent les produits.